LES FUSIONS-ACQUISITIONS ET LES TURBULENCES DU MONDE EN 2023

Par David Chekroun, Véronique Magnier, Yann Paclot, Gilles Pillet, Drew Shagrin et François Sicard

INTRODUCTION

David Chekroun

Véronique Magnier

Yann Paclot

Gilles Pillet

Drew Shagrin

François Sicard

Depuis l’éclatement de la bulle des subprimes et la crise financière qui en a résulté en 2008, le marché du M&A doit fréquemment faire preuve de résilience. Les crises qui se sont succédé depuis lors sont autant de chocs qui mettent à l’épreuve l’économie en général, les législateurs et les acteurs du M&A. Connue de tous, leur liste ne laisse pas d’impressionner.


La pandémie de Covid a frappé les esprits en paralysant durablement l’ensemble des économies, à l’échelle du globe, réduisant à la portion congrue leurs échanges. Certes, le redémarrage n’a pas attendu que l’OMS acte la fin de l’urgence sanitaire, le 6 mai 2023, mais il demeure fragile. Les tensions géopolitiques se sont accentuées et étendues. La guerre en Ukraine est intervenue alors que les chaines d’approvisionnement n’avaient pas encore retrouvé la solidité et la fluidité désirées. Elle a contribué à une hausse des matières premières et du coût de l’énergie. Les attentats du 7 octobre 2023 et la relance des conflits au Proche-Orient n’auront pas seulement des conséquences régionales mais nécessairement des répercussions géopolitiques et économiques sur les échanges internationaux et les investissement dans le monde. Tous les problèmes ne sont d’ailleurs pas conjoncturels. L’ensemble se déroule dans le cadre d’un dérèglement climatique et d’une crise écologique directement liées aux activités économiques. On doit y ajouter, pour les pays occidentaux, une crise démographique profondément perturbatrice.


Que l’on parle de dé-mondialisation, de fragmentation du monde ou de changement de mondialisation, c’est toujours une réduction des échanges que l’on désigne. Et même si leur volume demeure plus de quarante fois supérieur à ce qu’il était en 1947, au moment de la signature des accords du GATT, cette baisse nourrit l’inquiétude. Elle n’épargne pas les régions du monde qui ont le plus contribué à la mondialisation des échanges, 

Depuis l’éclatement de la bulle des subprimes et la crise financière qui en a résulté en 2008, le marché du M&A doit fréquemment faire preuve de résilience. Les crises qui se sont succédé depuis lors sont autant de chocs qui mettent à l’épreuve l’économie en général, les législateurs et les acteurs du M&A. Connue de tous, leur liste ne laisse pas d’impressionner.

La pandémie de Covid a frappé les esprits en paralysant durablement l’ensemble des économies, à l’échelle du globe, réduisant à la portion congrue leurs échanges. Certes, le redémarrage n’a pas attendu que l’OMS acte la fin de l’urgence sanitaire, le 6 mai 2023, mais il demeure fragile. Les tensions géopolitiques se sont accentuées et étendues. La guerre en Ukraine est intervenue alors que les chaines d’approvisionnement n’avaient pas encore retrouvé la solidité et la fluidité désirées. Elle a contribué à une hausse des matières premières et du coût de l’énergie. Les attentats du 7 octobre 2023 et la relance des conflits au Proche-Orient n’auront pas seulement des conséquences régionales mais nécessairement des répercussions géopolitiques et économiques sur les échanges internationaux et les investissement dans le monde. Tous les problèmes ne sont d’ailleurs pas conjoncturels. L’ensemble se déroule dans le cadre d’un dérèglement climatique et d’une crise écologique directement liées aux activités économiques. On doit y ajouter, pour les pays occidentaux, une crise démographique profondément perturbatrice.

Que l’on parle de dé-mondialisation, de fragmentation du monde ou de changement de mondialisation, c’est toujours une réduction des échanges que l’on désigne. Et même si leur volume demeure plus de quarante fois supérieur à ce qu’il était en 1947, au moment de la signature des accords du GATT, cette baisse nourrit l’inquiétude. Elle n’épargne pas les régions du monde qui ont le plus contribué à la mondialisation des échanges, à savoir l’Union européenne, l’Amérique du nord et l’Asie.

Pour les législateurs, et les institutions financières publiques, réagir de manière adaptée représente un immense défi. Quels que soient les effets attendus des mesures et des normes mises en place, elles constituent, pour les acteurs économiques, une difficulté supplémentaire à surmonter. Le dispositif de filtrage des investissements étrangers, qui vise un équilibre fragile entre compétitivité, attractivité et protection, en est un exemple désormais bien connu. La fin de l’argent gratuit et le resserrement monétaire sont venus s’y ajouter.

Dans ce contexte, tous les acteurs du M&A ont fait les mêmes constats. En dépit de quelques ilots de résistance, le nombre et le volume des transactions est en baisse significative. Dès la seconde moitié de 2022, les megadeals ont marqué une pause très nette, tandis que les deals plus modestes ont connu un fort ralentissement. L’incertitude semble devenue structurelle et, partout où ils regardent, les acteurs de ce marché constatent une augmentation de la volatilité. Des variables auxquelles ils ne prêtaient pas spécialement attention, font naitre de nouveaux risques.

Et pourtant, les fusions et acquisitions nationales et internationales demeurent centrales pour les stratégies des sociétés, qu’il s’agisse de croissance ou de rentabilité. Ces entreprises, les investisseurs, leurs conseils et autres intermédiaires dessinent, par le renouvellement de leurs pratiques, les grandes tendances des fusions-acquisitions internationales. Comment naviguent-ils désormais sur cette mer agitée ? Où se trouvent aujourd’hui les courants porteurs et les vents contraires ? L’une des leçons tirées de la crise de 2008 était qu’il fallait se méfier de l’attentisme et lui préférer une démarche proactive, seul moyen de traverser les turbulences de manière à en sortir en avance sur ses concurrents. Comment minimisent-ils les risques et saisissent-ils les opportunités ?
L’ambition de ce numéro est de mettre en lumière ces nouvelles tendances des fusions-acquisitions internationales en ne sacrifiant rien de la complexité de la situation examinée. Suivant en cela la méthode désormais éprouvée de F&A magazine, nous avons fait la part belle à la pluridisciplinarité et au dialogue entre la théorie et la pratique. Et parce que nous considérons que la transmission des connaissances en direction des futurs professionnels doit se faire sans délai, au plus près des avancées de ce dialogue, les étudiants de l’option Law & Finance d’ESCP Business School et du M2 Business, Tax and Financial Market Law (BTFML) de l’Université Paris-Saclay ont été associés à l’ensemble de la démarche.

Les fruits de cette recherche peuvent être regroupés en quatre catégories.

En premier lieu, les articles décrivent et décryptent les éléments constitutifs d’un contexte et d’un climat incertains, a priori peu favorable aux opérations de M&A. Sont ainsi explorés, les liens entre les tensions géopolitiques, le déclin démographique, la baisse de la population active, d’une part, et la hausse des taux d’intérêt, avec ses conséquences sur le financement, d’autre part. Cela appelait en retour une réflexion sur ce que l’on peut attendre de la BCE. Comment peut-elle agir sur des prix qui dépendent de marchés mondiaux ? Dans quelle mesure une hausse des taux peut-elle contribuer à éviter une contagion trop importante sur les autres prix et limiter chez les agents les anticipations d’inflation trop élevée ? Le problème de l’énergie et de son coût est, du moins à court terme, rendu plus complexe que jamais par la crise environnementale. Comment financer la transition énergétique en préservant la compétitivité et la rentabilité ?

Les articles révèlent, en second lieu, une tendance de fond qui consiste, pour tous les acteurs, à se concentrer ou se recentrer sur l’essentiel. Ils explorent les différentes déclinaisons de ce principe. Il peut s’agir de concentrer les investissements sur une zone géographique plus limitée. L’union européenne tire-t-elle son épingle du jeu ? La dimension sectorielle du phénomène est illustrée notamment par l’attractivité du secteur de la santé. Le poids de la lourde réglementation qu’impose un objet si sensible est-il un frein aux opérations de consolidation ou permet-il paradoxalement d’instaurer la confiance favorable aux investissements ? Sans surprise, le secteur de la Tech est l’autre secteur privilégié. Les articles mettent en lumière les raisons de ce succès, depuis la transformation de tous les secteurs par les nouvelles technologies, jusqu’au poids singulier qu’y occupe le capital humain et l’avantage qui en résulte dans un contexte inflationniste, en passant par les besoins importants en cyber-sécurité. L’attention se porte également sur le discernement des acteurs qui, demeurent prudents et privilégient les actifs de qualité. Dans un contexte de crise environnementale, se concentrer sur l’essentiel signifie également placer les critères ESG au centre des réflexions et stratégies. Sans surprise, ils influencent les choix opérés par les investisseurs et les précautions prises par les conseils. Dans quelle mesure modifient-ils également les actions d’institutions comme la BERD ou la BCE ? Cette dernière peut-elle favoriser la croissance sans favoriser les émissions perturbatrices du climat ? Des autorités comme l’autorité de la concurrence peuvent-elles agir positivement en ce domaine tout en restant dans le cadre de leurs missions ?

Le troisième enseignement de la recherche menée concerne la valorisation des cibles. En dehors de quelques secteurs dynamiques où l’on pourrait craindre des bulles, quelle est l’importance de la baisse des valorisations ? Plus généralement, ce sont les changements induits par les crises dans les méthodes de valorisation qui retiennent l’attention. Les méthodes les plus couramment utilisées, parfois de manière combinée, sont mises à l’épreuve par l’incertitude structurelle décrite et les difficultés d’accès au financement. Les difficultés sont abordées selon différentes perspectives.

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